SOMMAIRE (cliquez sur un sujet ci aprés)
1 - Les Objectifs doivent-ils être réalisables ?
2 - Doit-on inclure les objectifs dans le contrat de travail ?
3 - L'employeur peut-il modifier les objectifs en cours d'année
4 - Quelles sont les obligations de l'entreprise en matière de fourniture de moyens
5 - Les objectifs doivent-ils être quantifiés ?
6 - Comment concilier les objectifs et les horaires de travail
7 - Un salarié privé de moyens peut-il s'estimer victime de harcèlement moral ?
8 - Le salarié peut-il demander une formation d'adaptation ?
1 - Les Objectifs doivent-ils être réalisables ?
* OUI. Cette notion d'objectifs réalisables est ainsi expressément exigée lorsqu'ils sont confrontés à un licenciement pour insuffisance de résultat Ainsi, il ne peut être envisagé un tel licenciement que si les objectifs sont réalistes et réalisables. (cass. soc, 3 février 1999, n°97-40.600) et compatibles avec le marché (cass. soc. 30 mars 1999, n°97-41.028). Les juges utilisent également le terme d'objectifs raisonnables (cass. soc., 30 mars 1999, n°97-41.028)Ont par exemple été reconnu comme excessifs:
- des objectifs augmentés de 100% par rapport aux deux années
précédentes (cass. soc., 3 juillet1989,n°86-45.201);
- des objectifs ambitieux, fixés sans considérations de la
faible marge de manoeuvre du salarié (cass. soc.; 3 février 1999,
n°97-40.606)
* Chaque cas est particulier,
le caractère réaliste et réalisable des objectifs étant apprécié
souverainement par les juges. Ceux ci prennent en compte:
- les objectifs et performances passés du salarié
(cass. soc., 17 juin 1982, n°80-40.719)
- les objectifs et performances des salariés occupant un
emploi identique. Ainsi serait fortement suspect le licenciement d'un
salairé dont les objectifs auraient augmenté bien au delà des performances
des ces collègues (cass. soc., 3 janvier 1990, n°87-73.521) ou du salarié
ayant occupé précédemment l'emploi (cass. soc., 29 mars 1984,n°82-40.626)
- l'état du marché en cause. La fixation des objectifs
doit être compatible avec le marché. Il ne saurait être reproché à un
salarié des objectifs réévalués non atteints, alors que le secteur en cause
connaît une baisse généralisée des ses ventes, non limité au secteur du
salarié. (cass. soc., 02 octobre 1991, n° 88-44.005) ou encore si la
concurrence s'est accrue (cass. soc., 18 décembre 2001, n°99-45.360)
- les moyens mis à disposition. Il a par exemple été jugé qu'un salarié ne pouvait se voir licencier en raison de ses résultats de vente, dès lors que le service après-vente de la société avait connu de nombreuses défaillances en ne livrant pas en temps utile (cass. soc., 23 février 2000, n°98-40.482) ou encore en cas de modification de la politique commerciale de la direction limitant ces ventes (cass. soc., 3 février 1999, n°97-40.606).
Au delà de la question du licenciement, la fixation des
objectifs irréalisables peut également être invoquée pour faire état d'un
processus de harcèlement moral. Encore faut-il que d'autres éléments viennent
étayer ce harcèlement.
2 - Doit-on inclure les objectifs dans le contrat de travail ?
* Lorsque les objectifs viennent déterminer le montant de tout ou partie de la rémunération:
- si cette rémunération variable sur objectifs est prévue dans le contrat de travail, sans référence à un usage ou un accord collectif, il importe que les objectifs servant au calcul soient également contractualisés: avenant au contrat, feuille d'objectifs signée par le salarié ou tout autre moyen permettant de prouver l'accord du salarié. Ainsi l'employeur peut tout à fait prévoir que les objectifs communiqués au salarié sont présumés acceptés, faute de contestation dans un certain délai. Si d'une année sur l'autre, employeur et salarié ne peuvent pas s'accorder sur les objectifs pris en compte pour le calcul d'une prime, le seul recours possible consiste à saisir le juge qui fixera lui-même les objectifs à prendre en compte pour le calcul de la prime variable, et ce, en fonction des précédents objectifs et des éventuelles stipulations du contrat.( cass. soc., 22 février 2000, n°97-43.465).
Afin d'éviter un tel recours judiciaire, le contrat de travail peut prévoir un mécanisme de revalorisation automatique des objectifs, à défaut d'accord entre employeur et salarié. Il peut aussi prévoir un système d'arbitrage;
- en revanche, lorsque la rémunération sur objectifs est une modalité de rémunération "collective" commune à une catégorie de personnel, il y a lieu de considérer que la rémunération variable en cause relève d'un usage ou engagement unilatéral de l'employeur. Encore faut-il que les modalités de cette rémunération ne soient pas garanties par écrit dans le contrat de travail, auquel cas, elles seront contractualisées (sauf à ce que le contrat renvoie expressément à l'usage ou à l'engagement unilatéral). Dans l'hypothèse d'une rémunération variable "collective", seule importe la communication des objectifs aux salariés intéressés sans que l'accord de chacun soit nécessaire.
* Lorsque les objectifs n'ont aucun impact sur la rémunération contractuelle, il n'est pas nécessaire qu'ils soient fixés dans le contrat de travail (cass. soc., 22 mai 2001, n°99-41.838). Ils peuvent être imposés unilatéralement par l'employeur, au titre de son pouvoir de direction. Toutefois, même de peu d'utilité, une telle clause peut être conçue comme un outil de motivation (certes, moins efficace si les objectifs ne génèrent pas une rémunération variable). Dans une telle hypothèse, une formulation a minima peut se contenter de rappeler que "l'employeur détermine chaque année les objectifs à atteindre", et d'y joindre pour information les objectifs de l'année.
3 - L'employeur peut-il modifier les objectifs en cours d'année
Si les objectifs sont prévus par le contrat, toute modification est impossible sans l'accord du salarié. Toutefois, dans certaines circonstances, les objectifs du salarié peuvent devenir caducs, notamment lorsque les évènements servant à leur calcul viennent à disparaître (arrêt d'une production par exemple). Dans un tel cas la renégociation de ces objectifs s'impose, le juge pouvant être amené à trancher le différend, si l'employeur et salarié ne parviennent pas à un accord.
S'agissant d'objectifs non contractuels, l'employeur reste libre de les modifier à son gré, dans des limites réalisables toutefois.
4 - Quelles sont les obligations de l'entreprise en matière de fourniture de moyens
La fourniture de moyens adéquat au salarié est une condition essentielle à la réalisation des ses objectifs. Dés lors, un employeur qui ne fournirait pas les moyens attendus, méconnaîtrait son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail (C.trav., art L.120-4). Dans ces conditions, le salarié ne saurait se voir reprocher l'absence d'atteinte de ses objectifs. Au demeurant, la question des moyens se pose essentiellement dans le cadre d'un licenciement pour atteinte des résultats. Le contentieux porte alors souvent sur l'existence des moyens adéquats pour atteindre les objectifs, le salarié devant recevoir de "l'entreprise les moyens nécessaires permettant de les réaliser"(cass. soc., 11 juillet 2000,n°98-41132). Dans cet optique, les remarques que le salariés aura pu faire sur les outils mis à sa disposition et les réponses apportées, seront bien entendu prises en compte par les juges dans leur appréciation de la légitimité de la rupture. Seront également pris en compte à titre de preuves les différences de traitement avec les salariés occupant le même emploi, les notes de service, etc...
Sans attendre la rupture du contrat par l'employeur, le salarié peut toutefois chercher à engager la responsabilité sur la base de l'inexécution de mauvaise foi du contrat, et demander en conséquence, soit:
-l'attribution de dommages et intérêts en réparation du préjudice professionnel lié à l'absence de moyens (moindre commissions sur vente, absence de progression professionnelle);
- le cas échéant, demander l'attribution des primes liées aux objectifs non atteints du fait du manque de moyens;
- la rupture aux torts de l'employeur (être très prudent sur la démarche, car risquée)
Encore faut-il, pour que s'engage le débat, que le salarié ait de sérieuses raisons de s'estimer privé de moyen et ne saisisse pas les tribunaux pour une simple divergence de vues sur l'étendue de ceux-ci
5 - Les objectifs doivent-ils être quantifiés ?
Les objectifs peuvent être:
- d'ordre quantitatif : les objectifs en cause doivent pouvoir être déterminés selon un processus non contestable. Ainsi, il importe lors deleur fixation d'être précis dans le mode de calcul et les dates d'appréciation;
- d'ordre qualitatif : il peut s'agir de la réussite d'un projet, d'une amélioration de la qualité globale du travail, du développement de compétences. L'appréciation des ces objectifs laisse naturellement place à une plus grande subjectivité du supérieur hiérarchique. Toutefois, si ces objectifs viennent appuyer une décision concernant le devenir du salarié, il importe que leur appréciation s'opère sur des bases les plus objectives possibles.
6 - Comment concilier les objectifs et les horaires de travail
Il ne peut être reproché à un salarié de ne pas avoir atteint ses objectifs professionnels si sa charge de travail excède les horaires qui lui sont fixés.
Plusieurs situations doivent être distinguées:
- Le salarié dispose d'un horaire encadrant son activité. Sauf négligence de sa part, il n peut être fait grief de ne pas avoir accompli son travail dans l'horaire demandé, si cela l'amenait à des dépassements.
- le salaire dispose de la liberté de ses horaires. Dans ce cas, l'exécution des objectifs demandés ne saurait le contraindre à dépasser les durées maximales de travail ou se priver des repos obligatoires:
- les cadres au forfait jour ne sont pas soumis à la durée légale du travail et aux durée maximales journalière et hebdomadaire, mais doivent bénéficier en revanche du repos quotidien (11h) et hebdomadaire (35h), et ce, selon les modalités concrètes de prise de repos définis par accord;
- les autres cadres disposant d'une liberté horaire (forfait heures, horaires variables) ne sauraient dépasser les durées maximales du travail en raison de leurs objectifs. Un employeur ne peut pas par exemple, réclamer la présence continue d'un cadre.
Si les objectifs professionnels du salarié auraient pu être atteints dans le cadre de son horaire de travail, mais ne l'ont été du fait d'une mauvaise organisation ou de négligences personnelles, le salarié peut se voir reprocher son insuffisance professionnelle.
En pratique, si un contentieux survient, il faudra comparer la charge de travail du salarié avec celle des salariés placés dans une situation identique, ainsi qu'observer l'évolution dans le temps des ses objectifs professionnels. Ainsi, si du fait d'une réorganisation, les attributions d'un salarié ont été doublées, sans que son horaire de travail soit modifié, l'employeur ne pourra lui faire grief d'éventuels manquements professionnels.
IMPORTANT !
L'employeur est responsable du respect de la réglementation de la durée du travail, sous peine de sanctions pénales. Dés lors, il doit veiller à ce que l'organisation du travail permette à tous les salariés de prendre les repos obligatoires et ne les amène pas à dépasser les durées maximales de travail. A cet égard, l'employeur ne peut s'exonérer des ses responsabilités en prévoyant au contrat de travail que le salarié est libre d'organiser son emploi du temps
7 - Un salarié privé de moyens peut-il s'estimer victime de harcèlement moral ?
La privation des moyens nécessaire à l'accomplissement du travail est un des indices possibles d'un harcèlement moral. Encore faut-il pour établir ce harcèlement que la privation de moyens s'inscrive dans le cadre "d'actions répétées" qui ont pour "objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits...ou de compromettre son avenir professionnel. (C. trav. art L.122-49)
Ainsi, dans un cas proche bien que portant sur une discrimination (la notion de harcèlement moral n'existait pas à l'époque des faits), les juges ont condamné l'employeur, ayant constaté la privation de moyens et de responsabilité: le salarié devait travailler dans un local isolé puis depuis son domicile pour réaliser des missions sans consistance (CA Toulouse, 18 mai 2000, Caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF c/Gelardo)
8 - Le salarié peut-il demander une formation d'adaptation ?
L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi (C. trav. art. L. 930-1). Ces formations d'adaptation doivent au demeurant être rémunérées et qualifiées de temps de travail effectif. L'employeur ne peut ainsi se décharger de l'adaptation sur le temps libre du salarié.
Si une formation d'adaptation est effectivement un droit, le salarié ne peut néanmoins de lui-même en décider l'accomplissement. L'employeur détermine seul quels sont les salariés qui suivront une formation d'adaptation et les modalités de celle-ci.
Toutefois, le salarié peut être fondé à interpeller son employeur lorsqu'il estime ne plus avoir les compétences nécessaires pour s'occuper correctement son poste. Si l'employeur n'y donne pas suite, il ne s'expose pas à des conséquences immédiates, mais plutôt à des risques sur le long terme:
- faute d'avoir envisagé assez tôt l'adaptation des salariés (particulièrement s'il a été interpellé par l'intéressé sur le sujet), aucun licenciement pour motif économique du salarié ne pourra intervenir ultérieurement. En effet, la loi impose que tous les efforts de formation et d'adaptation aient été réalisés préalablement à un licenciement économique (C. trav. L.321-1, al.3). Si aucune adaptation n'est tentée, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. , 28 novembre 2000, n°98-44.628).
- de même faute d'adapter le salarié à son poste de travail, l'employeur peut difficilement lui reprocher ultérieurement une insuffisance professionnelle. Ainsi, l'employeur ne peut valablement licencier un salarié pour une insuffisance de résultat liée à l'inadaptation au poste lorsque celle-ci résulte d'un manquement de l'employeur à ses propres obligations en matière de formation professionnelle (cass. soc. , 29 mai 2002,n°00-40.996)
- enfin, si l'absence d'adaptation est telle qu'elle compromet l'avenir du salarié, celui-ci peut être fondé à demander la résiliation judiciaire de son contrat, pour inexécution fautive. Seul serait concerné l'abus caractérisé: salarié confronté à des outils complexes sans formation, etc .......